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FLORINE et BLOB : CONTE moderne



Le « blob » a 500 millions d’années et n’est ni un animal, ni un végétal, ni un champignon. © MNHN F-G G. Randin


Blob et Florine un conte d'Isabel Lavarec ( primé par ALF)


Il était une fois, une jeune ado, Florine qui vivait avec sa grand-mère, dans une masure située à l’orée de la forêt.

- Si je pouvais aller à l’école, répétait-t-elle en ritournelle, pour apprendre mes bois et ne plus être isolée.

Chaque jour, soleil à peine levé, elle cueillait racines, feuilles, fleurs, fruits ou champignons pour les vendre à la volée. Mais avant, elle s’amusait à les dessiner ou à les faire sécher selon la forme, la couleur ou l’odeur.

Ce matin-là, étant un peu en retard, elle prit une sente de traverse pour rejoindre la hêtraie aux girolles. Sur une branche morte tombée au sol, une masse jaune d’or attira son attention. Curieuse, elle s’en approcha.

— C’est drôle, dit-elle à haute voix, ça ressemble à un champignon et pourtant ça n’en est pas. C’est quoi ?

Comme à son habitude, elle s’assit à côté de la chose et sentit une odeur particulière.

— Hum… tu sens fort ! dit-elle en souriant.

— Tu vas te sauver ? demande la chose jaune anxieuse.

— Tu parles ? répond-elle les yeux tout ronds. Mais qui es-tu ?

— Une énigme. Tu vas m’abandonner à cause de ma senteur ?

— Non, j’aime bien. Tu sais, je suis une originale.

— Tu sais, je t’ai remarquée, mais toi, tu as ta tête trop prise par les champignons. Et comme, je n’en suis pas un. Je ne peux donc pas t’intéresser. D’ordinaire, je te laisse passer, mais aujourd’hui…

Florine poussa un gros soupire, des sanglots montèrent dans sa gorge.

— Ah non, s’exclama la masse. Non, pas de pleurs. Aujourd’hui est un beau jour, non ?

La chose se mit à scintiller et comme pour lui sourire, s’étala, se rétracta plusieurs fois de suite. La fillette qui ne s’attendait pas à une danse aussi originale, rit de bon cœur. Elle se sentait bien avec cette Chose qui ressemblait à un œuf pourri et sentait la moisissure avariée.

— C’est mon anniversaire et je suis seule, soupira-t-elle. Mes parents travaillent loin d’ici. Ils ne viendront que pour Noël, et ma grand-mère qui sert les châtelains, rentrera tard dans la nuit.

— Tu n’es pas seule, tu es avec moi. Dis, tu ne voudrais pas m’adopter ?

Le cœur de Florine sauta dans sa poitrine, mais très vite, elle vit le visage sévère de sa grand-mère.

— Non, il m’est interdit d’inviter des amis à la maison. De plus, je dois gagner l’argent pour acheter le pain et le lard pour la soupe de ce soir.

— Florine, je t’en prie…

L’interpellée sursauta,

— Dis-moi la Chose, par quel mystère connais-tu mon prénom ?

— Je connais tous ceux qui parcourent mon territoire. Toi, tu murmures des histoires. Je les écoute… et je crois que je t’aime. Florine, emmène-moi avec toi, je t’aiderais. En brillant, j’attirerais les clients et avec mon odeur spéciale, je les retiendrais.

— Tu es sûre de ne pas les faire fuir ? plaisanta-t-elle.

En remarquant une larme perler sur le bord de la Chose, la jeune ado s’en voulut. Elle avança sa main pour la sécher, mais la retira bien vite.

— Berk, tu es gluante !

La Chose se referma en une petite boule.

— Tu me trouves dégoûtante, souffla-t-elle avec tristesse, et tu ne vas pas m’adopter, c’est ça ?

La Chose s’étala et se mit à saigner. L’adolescente prit peur.

— Non, non. Je t’en prie, ne meurt pas. Tu es ma seule amie. Je te prends avec moi.

La Chose rampa, s’étala, se rétracta, se déplaça et disparut sous l’écorce.

— Où suis-je ? Tu vois, je sais me faire tout petit.

— Il y a l’odeur et ma grand-mère a le nez fin.

La jouvencelle frotta ses cheveux un instant.

— Eurêka, j’ai trouvé !

La Chose sortit de sa cachette et pour la remercier executa une dance endiablée.

— Je sais me faire petit… je suis prêt…

— Petit ? Prêt ? demanda la damoiselle, riant et applaudissant de bon cœur. Tu es garçon ?

— Je n’en sais rien. On m’appelle Blob ou parfois Physarum polycephalum…c’est du genre masculin tout cela, non ?

La jeune ado coupa la branche morte contenant la Chose, la déposa délicatement au fond du panier et en arrivant, l’installa dans le tiroir de sa table de nuit. Ensuite, elle laissa traîner de vieilles chaussettes sentant le fromage en décomposition et en attendant sa grand-mère, confia sa solitude à son nouvel ami. Mais trop gluant, elle ne put le caresser malgré sa grande envie.

Le soir, mère-grand avala sa soupe sans même regarder sa petite-fille et, muette comme toujours, alla se coucher.

Les yeux embués, Florine prit le blob dans sa main. Malgré l’odeur et le toucher repoussants, elle le caressa avec tendresse, mais le conte « le crapaud et la princesse » lui traversa l’esprit et elle se retint de l’embrasser.

— Non, je ne veux pas de prince comme mari. Que ferais-je dans un château ?

En reposant la branche, une larme tomba sur la masse jaune d’or. Comme par miracle, une petite détonation suivie d’une fumée épaisse remplit la chambre et une silhouette s’en détacha. Une charmante jeune fille s’avança vers son amie !

— Florine, s’exclama-t-elle en l’embrassant, nous semblons avoir le même âge. Merci, Tu m’as délivrée du sort lancé par la sorcière qui m’avait transformée en blob.

Dans les bras l’une de l’autre, elles éclatèrent de rire :

— Tu t’appelles comment ?

— Je ne sais plus. Justement, je dois rejoindre mes parents pour les réjouir, mais aussi pour me retrouver. Je reviendrai te chercher sous peu.

Et, elle partit. La jouvencelle, seule, ne pouvait s’empêcher de penser à cette amie perdue à peine trouvée.


Le vingt-quatre décembre alors que toute la famille fêtait Noël, on frappa à la porte. La jeune fille, étonnée, alla ouvrir. Son amie tenant une bougie scintillante lui tendait les bras.

Après les pleurs de joie et les embrassades, le père de Blondine (c’est ainsi que son amie s’appelait) s’adressa à la famille de Florine.

— L’amitié est plus forte que tout. Votre fille désire apprendre. Acceptez qu’elle fasse des études avec la nôtre.

Les études terminées Blondine et Florine décidèrent de continuer leur chemin ensemble.

Elles reprirent l’importante collection de champignons, de fleurs séchées, la complétèrent et se consacrèrent à l’étude des blobs. Elles devinrent deux éminentes spécialistes de Physarum polycephalum, reçurent le fameux prix scientifica-internationalis et furent les premières femmes à entrer à l’académie des sciences.






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