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Un professeur donne des conseils L’horloge Charles Baudelaire 

  • Photo du rédacteur: Isabel Lavarec
    Isabel Lavarec
  • il y a 3 jours
  • 4 min de lecture

L’horloge

Charles Baudelaire

 

 

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,Dont le doigt nous menace et nous dit :  » Souviens-toi !Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroiSe planteront bientôt comme dans une cible,

Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizonAinsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;Chaque instant te dévore un morceau du déliceA chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la SecondeChuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voixD’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)Les minutes, mortel folâtre, sont des ganguesQu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avideQui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !  »

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

 

Bac blanc 2010

Conseils donnés par

Un professeur agrégé en lettres classiques voulant rester anonyme

L' horloge nous surveille, les aiguilles  trottent  le temps passe et  l. homme s'en rend-il compte ?


 

 

Pour introduire le devoir, partez de l’opposition entre le Spleen ( nom anglais qui correspond au mal romantique, à la mélancolie, au cafrd, au blues) et  l’ I déal que Beaudelaire recherche, sans pouvoir, l’atteindre la plupart du temps.Cette opposition structure la première partie du recueil Les Fleurs du Mal ( 1857)  poème est justement  , intitulée Spleen et Idéal, dont le dernier L’Horloge. Un des premiers obstacles à cette quête de l’Idéal est constitué par le Temps que Beaudelaire qualifie de « Ennemi ».

 La problématique que vous pourrez poser en introduction sera : comment s’exprime la perception de la fuite du temps dans un poème de vingt-quatre  vers qui imitent les vingt-quatre heures d’une journèe ?

Pour y répondre, vous montrerez qu’elle est évoquée d’abord  dans le registre fantastique, puisdans le registre tragique. Le fil directeur du commentaire sera le sentiment d’angoisse provoqué par la conscience de la fuite du temps et de l’approche de la mort. L’ angoisse pourra d’ailleurs vous servir utilement de transition entre la première et la deuxième partie, puisque ce sentiment se retrouve dans les deux registres.

I. Une évocation fantastique de la fuite du temps

L’horloge,objet familier, symbole du temps qui passe, devient chez Beaudelaire un  monstre métallique « effrayant », doué de parole( procédé stylistique de la prosopopée par lequel une abstraction- ici  le Temps- parle longuement du vers 2 au vers 24).Le poète personnifie « le doigt » , »mon gosier de métal », métamorphosant l’aiguille et les  la vie, efface le plaisir se transforme en conscience du tragique de la condition humaine.majuscule) qui chuchote. Il utilise le procédé de la répétition » Souviens-toi ! » ( sept fois, en français, enanglais et en latinet de l’anaphore «  où… Où... Où » qui évoquentaussi bien le ti-tac incessant des secondes que l’obsession du temps qui passe. Les métaphores déplaisantes et cruelles des fractions de Temps appellent un commentaire pour l’horreur qu’elles suscitent chez le lecteur : « chaque instant te dévore », »voix d’inecte », «  j’ai pompé ta vie avec ma trompe immode », «  le gouffre a toujours soif ». Cette évocation culmine dans la dernière strophe avec l’évocation de la dernière heure et de son message brutal «  meurs, vieux lâche ! Il est trop tard ! » habilement placé au dernier vers.

L’ angoisse devant la bête de métal qui cherche des cibles, qui dévore, suce la vie, efface le plaisir se transforme en conscience du tragique de la condition humaine.

II.Le tragique de  la condition humaine

L’homme, en effet, n’est pas libre, il est soumis au dieu du Temps, »dieu sinistre », c’est-à-dire de mauvais augure, puisque chaque partie du temps qui passe, un temps qui nous est compté, nous rapproche de la mort, terme inévitable ? Le rappel répétté de «  Souviens-toi » fait écho au « Memento mori » des Romains : «  Souviens-toi que tu es mortel », paroles que l’on chuchotait à l’oreille du général victorieux que la cérémonie du triomphe célébrait.Beaudelaire martèle tout au long de ce poème le thème de la succession régulière des instants, des secondes, des minutes et des heures ; avec des alexandrins au rythme de tétramètres ( qutre mesures de trois syllabes) aux vers 1,2,13,18, ce du vers 15 à 18, ainsi que celui de la briéveté de la vie » Tantôt sonnera l’heure » .lui de la rapide fuite du temps avec les enjambements de la deuxième strophe. L’allusion au «  carpe diem » présente au vers 16 n’est pas considérée comme une solution, puisque le temps et la mort efface le plaisir éphémère de «  mortel folâtre ». L’homme est donc impuissant face à l’ abîme du temps  qui l’engloutit, à l’image du « gouffre » et de la « clepsydre » qui aspirent l’eau. Il ne peut compter ni sur l la Providence divine remplacée par l’oxymore ironique «  divin Hasard » qui exclut Dieu, ni sur les valeurs chrétiennes » Vertu, Repentir » oubliées durant la vie  et appelées finalement à la rescousse, ce qui provoque encore l’ironie beaudelairienne «  Oh ! la denière auberge ! » . La vision de la condition humaine semble donc bien sombre et pessimiste.

Conclusion ( à étoffer)

Ce poème frappe le lecteur par la violence du discours tenu par l’horloge et par l’angoisse obsessionnelle que le poète ressent devant le Temps. On peut se demander  si Beaudelaire adhère pleinement au discours de l’ horloge ou s’il n’adopte pas une distance ironique et critique, à l’image de Poe dans certaines de ses histoires macabres. La dérision serait alors la suprême élégance de celui qui surmonte son angoisse profonde de la mort.


 

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